L'idée d'une Convention-cadre pour la santé mondiale (CCSM) a été promue comme une occasion de faire progresser l'équité en santé mondiale et le droit à la santé. L'idée est prometteuse mais nécessite plus de réflexion en ce qui concerne les risques, les obstacles et la stratégie.
Le MPS prend la position suivante concernant cette CCSM:
I. L'analyse actuelle ne répond pas adéquatement aux déterminants sociaux, politiques et économiques de la santé mondiale.
La CCSM plaide pour un financement obligatoire des soins de santé, mais cela ne remet pas en cause l'ordre politique et économique actuel qui empêche le développement économique dans de nombreux pays et entraîne le transfert de valeurs du Sud vers le Nord. L'augmentation de l'aide publique au développement qui ne remet pas en cause l'ordre établi entrainera sa légitimisation. L’idée que l'aide est une solution suffisante aux problèmes de santé découlant d'une économie mondiale injuste et instable est biaisée. La CCSM devrait être élaborée et faire campagne en mettant en évidence ou en corrigeant les problèmes structurels sous-jacents du système actuel.
II. Une campagne pour une CCSM n'est pas possible compte tenu de l'actuelle situation au sein de l’OMS.
La proposition que l'OMS puisse adopter la convention-cadre (CCSM) ne prend pas en compte le pouvoir important s que certains bailleurs de fonds exercent sur l'OMS. Les contributions obligatoires (prélèvements obligatoires requis de tous les Etats membres) restent gelées. L'OMS n'a pas été en mesure d'implémenter diverses résolutions adoptées par l'Assemblée parce que les donateurs n'ont pas accepté d'appuyer de tels programmes. Deux domaines dans lesquels cela a été une contrainte majeure pour l'efficacité de l'OMS sont l'implémentation efficace de la réglementation pharmaceutique nationale et la promotion d'une politique cohérente dans le commerce et la santé. De plus, si jamais il y avait suffisamment de pression pour l'adoption de la convention-cadre (CCSM), il serait commode pour les pays puissants de se replier sur une CCSM axée uniquement sur l’aide. Finalement, la CCSM proposée serait probablement tellement édulcorée par des négociations pour répondre aux intérêts des puissants pays qu'elle ne serait pas aussi efficace qu'elle était destinée à l'être initialement.
III. La mobilisation sociale autour d'une Convention-cadre sur la santé mondiale devrait relier les problèmes locaux à la réponse mondiale.
L'expérience du MPS a montré que les initiatives de campagnes structurées autour des réformes abstraites et lointaines, telle que la CCSM, ont un potentiel limité pour construire un mouvement. Les initiatives de campagne qui inspirent les activistes communautaires à se concentrer sur les priorités de leurs communautés ont plus de succès. Ils promettent une réponse directe aux problèmes. Ils offrent un réel accès aux leviers du changement. De telles campagnes doivent être conduites par des analyses solides qui relient les problèmes locaux aux structures mondiales. Elles doivent pouvoir rester proches des injustices auxquelle les gens sont réellement confrontés. Le MPS envisage un mouvement mondial dans lequel de nombreuses actions différentes se rejoignent dans la lutte pour le droit à la santé. Nous ne sommes pas convaincus qu'une campagne pour la Convention-cadre aura assez de pouvoir pratique ou d'inspiration pour construire et soutenir un mouvement social de masse.
IV. Mener une campagne autour des stratégies réglementaires pour la santé mondiale est une méthode plus efficace pour la construction du mouvement autour d'une Convention-cadre (FCGH).
Une campagne pour la Convention-cadre (FCGH) doit veiller à ce que les préoccupations en matière de réforme au niveau mondial n'occultent pas les conditions nécessaires à la mobilisation sociale progressive. Elle doit susciter l'enthousiasme et avancer des propositions qui remettent réellement en question les rapports de force. Mener une campagne pour une réglementation efficace en matière de santé mondiale, par exemple dans les domaines des maladies non transmissibles ou de la bonneutilisation des médicaments, permettrait aux parties prenantes de voir les règlements comme liés à leurs propres luttes. En outre, la campagne pour la réglementation de la santé mondiale dans des domaines au-delà du pouvoir de l'OMS, tels que l'intégration des indicateurs de santé dans la future Convention-cadre sur la législation des changements climatiques, pourrait t également encadrer les luttes locales dans le contexte mondial. Bien que ces types de campagnes semblent détachées les unes des autres, elles peuvent être liées à toutes les autres campagnes qui relèvent du droit à la santé. Ce type de stratégie pourrait mieux servir à la construction du mouvement autour d'une CCSM.
Le MPS reconnaît la nécessité d'une réglementation plus forte autour de la santé mondiale. Toutefois, se concentrer sur le financement obligatoire des soins de santé, tel que proposé par certains partisans de la CCSM est trop limité. En outre, les partisans de la CCSM devraient examiner attentivement la probabilité que les pays puissants adoptent une convention de transformation efficace. Toute campagne pour la CCSM doit être ancrée dans un fort mouvement social mondial qui se construit de bas en haut et qui relie le local au global.
Pour plus de ressources concernant la CCSM et le MPS:
Joint Action and Learning Initiative on National and Global Responsibilities for Health
http://www.jalihealth.org/take-action.html
Est-ce que la lutte pour l'équité en santé et la justice sociale sera mieux servie par une Convention-cadre sur la
santé mondiale?
Health and Human Rights Journal, Vol. 15, No. 1, June 2013